LA QIBLA OU L’ORIENTATION VERS LA KAABA

Au nom d’Allah, le Miséricordieux par essence et par excellence !

Le fait de s’orienter en direction de la qibla c’est-à-dire de de la Kaaba ou Bayt-Allah al Haram (la Maison Sacrée d’Allah) est une prescription dans l’accomplisssement de toute prière. Elle a été révélée au Prophète Mouhamed (PSL) dans les versets suiants : « Certes, nous te voyons tourner le visage en tous sens dans le ciel. Nous te faisons donc orienter vers une direction qui te plaît. Tourne donc ton visage vers la Mosquée Sacrée. Où que vous soyez, tournez-y vos visages. Certes, ceux à qui le Livre a été donné savent bien que c’est la vérité venue de Leur Seigneur. Et Allah n’est pas inattentif à ce qu’ils font » (Sourate Al Baqarah, La vache, verset 144) ; « Et d’où que tu sortes, tourne ton visage vers la Mosquée Sacrée. Et où que vous soyez tournez-y vos visages, afin que les gens n’aient pas d’argument contre vous, sauf ceux d’entre-eux qui sont de vrais injustes. Ne les craignez donc pas : mais craignez-Moi pour que Je parachève Mon bienfait à votre égard, et que vous soyez bien guidés ! » (Sourate Al Baqarah, La vache, verset 150).

Des savants musulmans ont considéré que l’orientation en direction de la qibla avait une vertu à la fois thérapeutique et spirituelle car d’une part, elle éclaire la vue et d’autre part parce que le Prophète Mouhamed (PSL) a enseigné que « la meilleure posture est celle qui s’oriente vers la qibla (la Maison Sacrée d’Allah) ». Ethymologiquement parlant, on l’a appelée qibla (face) en ce sens que celui qui accomplit la prière lui fait face. D’autres auteurs ont mis essentiellement l’accent sur la dimension symbolique de la qibla. En effet, par la prière dirigée vers un même centre, la Maison sacrée d’Allah, le musulman participe plusieurs fois quotidiennement à la réalisation où à l’expression de l’unité de la Ummah. Ce faisant, il se représente dans le même temps, à l’image de l’enfant qui est dans le giron de sa mère, qu’il est sous la protection du Prophète Mouhamed (PSL) et que celui-ci est dans la hadara (instance sacrée) d’Allah. Ainsi, il accomplit les mouvements rituels en guise d’adoration en faisant face, par le corps et l’esprit, à cette manfestation de la grâce divine qu’est la Maison sacrée d’Allah.

L’intérêt attaché à la détermination de la qibla a poussé les jurisconsultes musulmans à catégoriser les diverses situations dans lesquelles le musulman peut se trouver en quête de qibla. Selon les situations, on peut relever plusieurs formes de qibla :

  1. la « qibla originelle révélée » (tah-hiq) au Prophète (PSL) de s’orienter en direction de la Maison sacrée d’Allah comme il ressort des versets cités ci-dessus. Si la Kaaba indique le sens de la qibla, la prière dans ou sur la Kaaba doit être réglementée :

    • La prière dans la Kaaba : il est licite de faire une prière sounna dans la Kaaba et dans le hidjr (muraille) de la Kaaba et dans n’importe quelle direction de la Kaaba. Mais il n’est pas licite pour les prières fardh (obligatoires) (farata), d’obligation personnelle (fardhou aïn) ou communautaire (fardhou kifaya) comme la prière funèbre qui devraient alors être recommencées dans leur temps propre. Cette règle a été interprétée différemment : selon certains jurisconsultes, la prière devra être répétée à vie tandis que pour d’autres, elle sera répétée en son temps seulement en cas d’ignorance et à vie lorsque cela a été fait délibérément.
    • La prière sur la Kaaba : est nulle la prière fardh dite obligatoire (farata) faite sur le dos de la Kaaba c’est-à-dire sur sa terrasse ; elle devra être répétée à vie. Par analogie, est également nulle la prière de celui qui est monté sur une monture, sauf en cas de mêlée au cours d’un combat contre les infidèles ou en cas de crainte d’une bête fauve par exemple. Elle est alors licite, même vers une autre direction que la qibla. Mais si la personne en situation de crainte est de nouveau en sécurité, elle devra répéter la prière durant son temps.
  1. la « qibla constatée » (‘iyane) est celle de celui qui prie en étant à la Mecque et dans ses environs (montagnes, cours d’eau, etc.) en face de la Maison sacrée d’Allah. Celui-ci se doit, dans la mesure du possible, de s’orienter, de tout, son corps en direction de la face de la Kaaba. Si le fidèle n’a aucun empêchement légitime (maladie, crainte), il n’a pas le droit de s’orienter approximativement en direction de la Kaaba ni de recourir à l’ijtihad car la possibilité de déterminer avec certitude exclut le recours à l’approximation. C’est ce qui explique que les rangées (sapé en wolof) de prières se fassent en cercle ou en arc autour de la Kaaba. Par conséquent, est nulle avec obligation absolue de la reprendre à vie, la prière accomplie par le musulman qui ne se sera pas complètement tourné en direction de la qibla alors qu’il en avait la capacité même s’il est malade. Toutefois, si sa maladie l’empêche de se tourner ou d’être tourné, il accomplira la prière au début du temps d’élection s’il n’a pas espoir de voir la situation changer et à la fin du temps d’élection s’il espère trouver assistance. Mais dans un cas comme dans l’autre, il reprendra la prière s’il trouve possibilitéde se tourner ou d’être tourné avant l’expiration du temps d’élection.

  2. la « qibla cachée » (istitâr) : on parle de qibla cachée pour désigner la situation dans laquelle se trouvent les habitants de la Mecque qui s’éloignent de la Maison sacrée d’Allah ou des habitants de Médine qui s’éloignent de la Mosquée du Prophète (PSL) et qui ne peuvent plus l’apercevoir à cause de la nuit, ou de l’impossibilité de monter sur un toit par exemple. Dans ce cas, ils pourront s’orienter en direction de la Kaaba en prenant comme repère les étoiles ou les montagnes environnantes ;

  3. la « qibla de consensus » (ijma’) » reconnue à la Mosquée de Omar ibn Al Ace (qu’Allah l’agrée) en Egypte et qui a été déterminée par consensus des compagnons du Prophète Mouhamed (PSL) ;

  4. la « qibla déterminée par ijtihad » (effort) et qui correspond à celle de tout individu résident mais se trouvant en dehors des Lieux Saints de l’islam. Il se doit alors de tenter de s’orienter vers la qibla en sachant que selon le Messager d’Allah, « est qibla : tout point qui se trouve entre l’orient et l’occident s’il est orienté en direction de la Kaaba ». Toutefoi, si l’effort d’orientation conduit l’intéressé à une direction et malgré cela il s’en détourne délibérément, sa prière est nulle même s’il atteint la qibla et il devra la reprendre à vie. En revanche, si son effort le conduit à une direction qui se révèle après ne pas correspondre à la qibla, il ne reprendra alors que dans le moment de la prière si son erreur est manifeste (il a pris par exemple l’orient pour l’occident ou l’inverse). Ne devra pas recourir au taqlid (imitation ou autorité d’autrui) pour trouver la qibla, celui qui est apte à faire son propre ijtihad (effort personnel). Il ne se fondera même pas sur un mihrab sauf dans les grandes villes même s’il s’agit d’un non voyant ; il demandera des renseignements afin d’en faire des déductions personnelles. En revanche, celui qui ne remplit pas les conditions demandera et se fondera sur les dires d’un individu soumis à l’obligation de pratiquer (moukallaf) ou s’orientera sur un mihrab.

  5. S’il apparaît que l’intéressé a commis une erreur d’orientation et s’en aperçoit au courant de la prière, il doit l’interrompre. Toutefois, s’il a dévié de peu ou s’il est non voyant, il devra s’orienter convenablement vers la qibla sans avoir à interrompre la prière. Si l’erreur apparaît après la prière, il devra répéter la prière durant son temps d’élection.

  6. la « qibla de substitution » (badl) qui renvoie à celle du voyageur autorisé à raccourcir les prières (voyage de plus de 80 km ou 40 miles). Il est permis à ce voyageur à dos d’animal ou en palanquin de prendre comme qibla la direction de son voyage à la place de la vraie qibla pour les prières surérogatoires (nafila) et même pour le witr et les deux rakas de fajr (fadiar) et les prosternations lors de la lecture ou récitation du Coran. Il n’a pas besoin de se prosterner sur l’animal mais fera pour cela un signe en direction de la terrepeu importe si cette terre est pure ou non. Cette permission cesse lorsqu’une de ces conditions n’est pas réunie. Il est à préciser d’une part, que s’il se détourne volontairement et sans motif légitime de la direction de son voyage, sa prière sera nulle à moins que ce ne soit en direction de la qibla et d’autre part, s’il arrive à destination alors qu’il est en prière, il doit la continuer à terre. En outre, cette permission ne vaut pas lorsqu’on est en bateau : on devra alors se tourner vers la qibla, en même temps que celui-ci tourne, si possible ;

  7. la « qibla choisie » (takhyîre) renvoie à la situation de celui qui est incapable de le déterminer par ijtihad et qui ne trouve personne pour le renseigner, ni quelqu’un en prière à suivre, ni un mihrab pour en déduire la qibla ou la situation de celui qui fournit un effort (moujtahid) mais se trouve dans l’embarras. Il pourra choisir la irection de son choix ou bien prier quatre fois en direction de chacun des points cardinaux.

Fasse Allah que nous soyons parmi les connaisseurs dans la limite de nos capacités, parmi ceux qui reconnaissent la grâce dont Il nous comble et sont conscients de Son contrôle permanent sur nous, parmi ceux qui oeuvrent en prévision de l’Au-delà. Amine.

Extraits traduits des enseignements en arabe et en wolof, sur l’islam et la tariqa tidjaniya, du guide spirituel Serigne El Hadj Madior CISSE, responsable de la dahira Moutahabina Fillahi et disciple de Khalifa Ababacar SY (RTA).