PAIX ET PRIERE (hadhratou salaat et hadhratou salam) ou COMMENT VIVRE L’ISLAM DANS SA PLENITUDE

« Paix et Prière » sont les deux facettes qui conditionnent l’existence et la conduite du musulman qui aspire à l’ihsaane ou bienfaisance, stade suprême de la religion musulmane. En effet, il existe en islam selon le Messager d’Allah (PSL) trois échelons : l’islam au sens strict ou soumission, l’imâne (la foi) et l’ihsaane (la bienfaisance). L’ihsaane qui est l’objet du soufisme est la somme des valeurs et des vertus qui étaient celles du Prophète (PSL) et dont le croyant doit faire siennes dans ses relations avec le Créateur d’une part et avec les créatures d’autres parts. Ne pas aspirer à l’ihsaane, c’est ne pas prendre le Messager d’Allah comme modèle de référence et se contenter d’un islam sommaire et sec.

Vivre dans l’ihsaane, c’est se mouvoir entre l’instance de la prière qui débute avec le kabarou armal et prend fin avec le prononcé de la formule de clôture: Assalamou ‘alaïkoum (hadhratou salaat) et l’instance de la paix laquelle correspond à la période d’entre deux prières obligatoires c’est-à-dire du prononcé du Assalamou ‘alaïkoum jusqu’au kabarou armal de la prière obligatoire suivante (hadhratou salam). En d’autres termes, le croyant est soit au service d’Allah, soit au service de l’Humanité : s’il n’est pas en prière, il vit ou cherche à vivre en paix avec l’ensemble des créatures d’Allah. La prière l’aide dans la réalisation de la paix et celle-ci constitue le cadre idéal pour l’accomplissement de la prière et la préservation de la foi. Qui veut la paix, prépare, non la guerre, mais la prière ! « En vérité, la prière préserve de la turpitude et du blâmable ».

C’est la raison pour laquelle l’Islam a fait de la prière le garant de la paix et a considéré que celle-ci n’est compromise que lorsqu’il est porté atteinte à la prière. Allah n’ayant « créé les djinns et les hommes que pour qu’ils L’adorent » ( Sourate 51, verset 56), la plus grave atteinte qui puisse être portée à l’ordre divin est d’empêcher la tenue de la prière. Point d’excuse, point de pitié à celui qui s’opposera à  ce que le culte de la foi soit rendu au Seigneur de l’Univers. En revanche, toute autre règle religieuse, quelle que soit son importance ou sa valeur, peut être dérogeable sauf la prière car « la prière est la première chose qui fera l’objet de réglement le Jour de la Résurrection ; lorsqu’elle est bonne, tout devient bon et lorsqu’elle s’abîme, tout s’effondre » a dit le Prophète (PSL). Ce qui justifie le fait que le recours à la force armée contre un chef d’Etat musulman ou pour contraindre des individus à adopter la religion est prohibé tant que la liberté de prière est garantie et respectée .

Par la prière, le musulman revient à Allah et se conforme à Ses prescriptions : « Certes, c’est Moi Allah : point de divinité que Moi. Adore-Moi donc et accomplis la prière pour te souvenir de Moi » (Sourate 20, verset 14). Par la prière, il apprend la maîtrise du temps et découvre que « le soleil et la lune (évoluent) selon un calcul minutieux » (Sourate 55, verset 5) en répondant à l’appel du Meilleur des Créateurs : « Et accomplis la prière aux deux extrémités du jour et à certaines heures de la nuit »(Sourate 11, verset 114). « Accomplis la prière au crépuscule jusqu’à l’obscurité de la nuit » (Sourate 17, verset 78).
Et par la purification préparatoire à la prière, il apprend à rester propre et pur et montre son aptitude à être le réceptacle de toutes les grâces provenant du Maître de l’Univers. Par la prière dirigée vers un même centre, la Maison d’Allah, il participe plusieurs fois quotidiennement à la réalisation ou à l’expression de l’unité de la « oumma » (communauté).

Par le rituel de la prière, il entre en communion avec Allah et réalise son ascension vers Lui ; il chante les louanges de son Créateur et se rappelle de sa condition humaine. Chaque geste exprime « cette participation consciente de l’homme à ce chant de louange qui lie toute créature à son créateur » (Garaudy R. »Promesses de l’Islam, op.cit., p.32.) , l’élève et le rapproche de son Seigneur. Toutes les positions qu’il adopte durant la prière (assise, debout, génuflexion, prosternation) marquent une étape de son ascension et constituent la synthèse des différentes positions d’adoration des anges.

Par le prononcé du nom d’Allah « Le Plus Grand » en tout, partout, depuis et pour toujours et le geste qui l’accompagne, il renonce à tout ce qui est susceptible de l’éloigner de son Seigneur. Et dans le même temps, il pénétre dans l’instance sacrée et sacralisante de la Prière pour devenir réceptacle des grâces et des Lumières du Seigneur.

Cette prière s’achève par l’entrée dans l’instance de la Paix et la formule est expressive : en y préparant son entrée, il rend grâces à Allah parce qu’il sait que toutes « les salutations, les plus belles, les plus douces, les meilleures ainsi que toutes les louanges ne sont dignes que pour Lui ». Et puis, il invoque la paix, la miséricorde et les grâces divines sur le Messager d’ Allah présent dans sa prière (comme en atteste le style direct utilisé dans la formule («Salut à toi, Ô le Prophète… » utilisé dans la formule du tachahoud)) et renouvelle sa profession de foi, invoque la paix sur le monde qui l’entoure et finit sa prière en disant à haute voix : que la Paix soit sur vous!

Pour l’Imam Khirchî, c’est comme s’il disait  : « je suis votre frère en Dieu ; je n’ai qu’amour pour vous ; j’entends vous être utile et vous n’avez rien à craindre de moi ». Ce n’est pas là un message que le musulman adresse uniquement à son voisin de prière ou à sa propre personne mais il l’adresse également à tous les musulmans de la race des hommes et des djinns particulièrement et à toutes les créatures d’Allah d’une manière générale. « Puis, dit le Coran, quand la prière (salaat) est achevée, dispersez-vous sur terre, et recherchez (quelque effet : c’est l’effort économique, le travail en vue de la réalisation du bien-être) de la grâce d’Allah, et invoquez beaucoup le nom d’Allah afin que vous réussissiez » ( Sourate 62, verset 10). Telle est la prescription d’Allah pour qui veut vivre conformément à Ses Directives dans l’instance de la paix. Le (ou la) musulman(e) devra ainsi se conformer aux prescriptions divines dans ses relations avec  soi-même, son conjoint, ses enfants, ses parents, ses proches, ses voisins, ses frères et soeurs de religion, ses frères et soeurs de la famille humaine et avec l’ensemble des créateurs de la faune et de la flore.

Au nom de la paix voulue par le Seigneur dont un de Ses Beaux Noms est précisément LA PAIX, le (ou la) musulman(e) doit se comporter avec loyauté, bonté et humanité envers les non musulman(e)s et respecter l’intégrité de leur personne, de leurs biens, de leur honneur et de leur dignité. Qu’ils se rappellent ce message coranique qui leur est destiné :« Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables. Allah vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Sourate 60, verset 8 et 9).

Sur cette base, le Prophète (PSL) n’a pas  hésité à s’allier avec des non musulmans qui ne l’ont pas combattu pour la religion dans son combat au service de l’Islam. Ainsi, il a bénéficié du soutien  actif de la tribu juive de Qaynaqâh dans la célèbre bataille contre la tribu juive de Khaybar. En outre, il a été soutenu, dans plusieurs de ses batailles, par le païen déclaré Safouane Ibn Oumeyya et avait même emprunté à celui-ci du matériel militaire d’appoint (cent boucliers). A la bataille de Hounayn, il l’a tellement gratifié que Safouane a fini par se convertir à l’Islam en s’exclamant : « Seul un prophète peut avoir un coeur aussi généreux ! ». Mieux, le Prophète (PSL) s’est allié avec les païens de la tribu Khouzâha pour combattre les membres de sa propre tribu (Qoraïch) l’Année de la Victoire. Assurément, disait-il, « Allah consolidera cette religion avec l’aide de libertins qui seront dans une fournaise, où ils brûleront le Jour de la Résurrection, incapables de s’en échapper » (Sourate 82, verset 14, 15 et 16). Le cas de Quzmane en est  une illustration. Ce dernier était un hypocrite :  il était mécréant et se faisait passer pour un musulman. A la bataille de Ouhoud, les femmes se moquèrent de lui mettant en cause sa virilité en raison du fait qu’il n’était pas parti au front. Sur ce, il se décida à rejoindre les troupes et fit preuve d’un grand  courage combattant aux premiers rangs des musulmans. Mais effrayé par l’offensive de l’ennemi, il préféra se donner la mort. Avant qu’il ne rende l’âme, un des compagnons est venu le complimenter de sa situation de martyr, croyant qu’il était atteint par les ennemis. Alors, il lui répondit : « je jure que je n’ai point combattu pour la religion mais uniquement par nationalisme contre l’hégémonie des Qoraïch » (Cf; Mohamed Hussein Haykal, hayâtou Mohamed, Dar Al Calam, 7ème edition pages 295 et 296).

Au nom de la paix voulue par Allah – LA PAIX -, le (ou la) musulman(e) doit respecter l’environnement de la faune et de la flore, des cours d’eau et des océans, de  l’atmosphère et s’interdire toute activité de pollution. Préserver la nature est par conséquent un acte de dévotion. Le Prophète (PSL) était un modèle de respect et de bonté à l’égard des plantes, des insectes, des oiseaux et des animaux d’une manière générale. Il avait coutume de répéter : « Allah ne cesse de répandre Sa  Miséricorde sur les bonnes gens ; soyez parmi les bons envers ceux qui sont  sur terre pour mériter la miséricorde de Celui qui est au Ciel ». Il  donnait  à ses compagnons l’exemple de cet homme qui avait trouvé un chien haletant de soif, qui descendit dans le puits et donna au chien à boire à partir de la paume de sa main jusqu’à ce qu’il se désaltère. Après avoir raconté l’histoire, il leur dit : « Allah a récompensé cet homme de son geste et lui fait miséricorde » . Ses compagnons lui demandèrent alors : « Y a-t-il objet à récompense en les animaux? . Il leur répondit : « Il y a objet à récompense en tout coeur qui bat» (Rapporté par Boukhari).

Il a également révélé qu’ «une femme était entrée en Enfer à cause d’une chatte qu’elle avait enfermée sans lui donner à manger et sans la laisser ramasser sa nourriture de la terre » (Rapporté par Boukhari). Une autre fois, il entra dans un  jardin et y trouva un chameau qui versait des larmes et glougloutait. Il s’approcha de lui, le caressa et se tut un instant  avant de demander à voir le propriètaire. Lorsque celui-ci vint, il lui dit : « ce chameau s’est plaint à moi comme quoi tu l’affames et l’épuises de corvées. Craignez Allah dans vos manières de traiter les animaux». Le propriètaire lui dit : « je ne le referai plus jamais ». Une autre fois encore, le Prophète (PSL) vit un homme qui aiguisait un couteau devant l’animal qu’il s’apprêtait à immoler et lui dit : de grâce, épargne-le de deux morts » (Cf. Al Wahyoul Al minbari, op. Cit, livre3p. 176). Les exemples pourraient être multipliés. Cette bonté à l’égard des animaux va de pair avec la bonté qu’il a toujours manifestée à l’égard de toutes les créatures tel qu’il ressort de son hadith resté célébre : « Je suis une miséricorde dédiée à l’Humanité, gracieusement offerte à l’Univers ».

En définitive, c’est la soumission totale à Allah qui est demandée à l’être humain qu’il soit dans l’instance de la paix ou dans celle de la prière. C’est par cette soumission qu’il devient réellement musulman : « Dis : « En vérité ma prière (salaat), mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Allah, Seigneur de l’Univers. Voilà ce qu’il m’a été ordonné, et je suis  le premier à me soumettre » »(Sourate 6, verset 162 et 163).

Par cet engagement solennel, la personne croyante montre son aptitude à constituer le point de jonction entre les instances de la paix et de la prière, lesquelles ne sont que les deux facettes d’une seule et même instance, celle occupée entièrement et pleinement par la Présence d’Allah partout, en tout, depuis toujours et pour toujours :« Tu ne te trouveras dans aucune situation, tu ne réciteras aucun  passage du Coran, vous n’accomplirez aucun acte sans que Nous soyons Témoin au moment où vous l’entreprendrez. Il n’échappe à ton Seigneur ni le poids d »un atome sur terre ou dans le ciel, ni un poids plus petit ou plus grand qui ne soit déjà inscrit dans un livre évident » (Sourate 10, verset 61).

«C’est lui qui détient les clefs de l’Inconnaissable. Nul autre que Lui ne les connaît. Et Il connaît ce qui est dans la terre ferme, comme dans la mer. Et pas une feuille ne tombe qu’Il ne sache. Et pas une graine dans les ténèbres de la terre, rien de frais ou de sec, qui ne soit consigné dans un livre explicite » (Sourate 6, verset 59) .

«Gloire à ton Seigneur, le Seigneur de la Puissance. Il est au-dessus de ce qu’ils décrivent! Et paix sur les Messagers, et louanges à Allah, Seigneur de l’Univers » (Sourate 37, versets 180 à 182) .

Fasse Allah que nous soyons parmi les connaisseurs dans la limite des nos capacités ; parmi ceux qui reconnaissent la grâce dont Il nous comble et sont conscients de Son Contrôle Permanent sur nous ; parmi ceux qui oeuvrent en prévision de l’Au-delà. (Amin)

Extraits traduits des enseignements en arabe et en wolof, sur l’islam et la tariqa tidjaniya, du guide spirituel Serigne El Hadj Madior CISSE, responsable de la dahira Moutahabina Fillahi et disciple de Khalifa Ababacar SY (RTA).