LA DEMANDE DE PERMISSION D’ENTRER CHEZ AUTRUI
Aspects de la protection de l’intimité de la vie privée en Islam

Au nom d’Allah, le Miséricordieux par essence et par excellence !

« Certes, je n’ai été envoyé  que pour parfaire les bonnes moeurs » a dit le Messager d’Allah (PSL). Il n’est donc point étonnant de voir le Coran et la Sounna regorger de trésors de politesse. Parmi ces bonnes manières, figure en bonne place la demande de permission d’entrer chez autrui qui a fait l’objet d’une réglementation expresse dans le Saint Coran où il est révélé : »Ô vous qui croyez ! N’entrez pas dans des maisons autres que les vôtres avant de demander la permission (d’une façon délicate) et de saluer leurs habitants. Cela est meilleur pour vous. Peut-être vous souvenez-vous. Si vous n’y trouvez personne, alors n’y entrez pas avant que permission ne vous soit donnée. Et si on vous dit : « Retournez », eh bien retournez. Cela est plus pur pour vous. Et Allah, de ce que vous faites est Omniscient. »(Sourate An-Nour, versets 27 et 28).

Le fondement de l’obligation de demander la permission d’entrer réside essentiellement dans la protection de l’intimité de la vie privée des gens. Les circonstances de la révélation de ce verset montrent qu’une femme était venue au Prophète (PSL) et lui a tenu ce langage : «Ô Messager d’Allah ! Il m’arrive d’être dans un état tel que je ne voudrais être vue par personne, ni par mon père ni par mon fils. Or mon père entre chez moi et d’autres hommes de ma famille et me trouvent dans cet état, que puis-je faire? ». Et ce verset fut révélé selon le hadith rapporté par Zeïd Ibn Thâbit (qu’Allah l’agrée). En effet demander la permission signifie, au sens éthymologique du terme arabe (isti’nâss), s’apprivoiser, se rendre sociable, sympathique, aimable, courtois, intime. Entrer chez quelqu’un nécessite de sa part une amabilité à vous recevoir. Cette prédisposition efface le froid dans les rapports et lui substitue un courant de sympathie difficile à cacher. Lorsque les compagnons du Prophète (PSL) l’interrogèrent sur le sens de la demande de permission, il répondit dans un hadith rapporté par Abou Ayyoub Al-ansârî : « c’est le fait pour quelqu’un de parler de tasbiha (Soubhaanallah), de takbira (Allahou akbar) et de tahmida (Alhamdoulilah) demandant la permission à son hôte avec courtoisie ». C’est le fameux « diâmanté » de chez nous (au Sénégal) dont la finalité est de mettre son hôte en confiance et de le prendre en sympathie.

LES BONNES MANIERES DE DEMANDER LA PERMISSION D’ENTRER

Le Coran, renforcé en cela par la tradition du Prophète de l’Islam (PSL), a enseigné, jusque dans les détails, les bonnes manières de demander la permission d’entrer chez autrui. Ces règles de politesse, faites toutes de finesse, indiquent au musulman qui demande la permission d’entrer chez autrui :

    • la manière de se tenir devant la porte d’entrée d’une maison ou d’une chambre (1),
    • de se présenter (2),
    • de solliciter la permission sans excès (3),
  • et l’attitude qu’il se doit d’adopter s’il lui est demandé de retourner (4).

1 – Se tenir correctement devant la porte

Selon un hadith rapporté par Abou Daoud, le Prophète (PSL) ne se tenait jamais en face de la porte mais plutôt du côté gauche ou du côté droit de la porte et disait : « Assalamou ‘alaïkoum ! ». Il est recommandé à celui qui sollicite la permission d’entrer de ne pas se tenir directement en face de la porte et d’imiter cette sounna. Pour certains oulémas, cette règle est justifiée par le fait que les portes à l’époque n’avaient pas de portière comme aujourd’hui. Mais malgrè cela, cette manière de procéder doit demeurer car elle permet d’éviter, même lorsqu’il ya une portière, qu’elle ne s’ouvre brutalement sur le visage du visiteur ou que la personne qui ouvre  soit effrayée par le visiteur. Selon le Messager d’Allah, la demande de permission d’entrer a été rendue obligatoire à l’effet de préserver l’intimité de la personne. Il s’agit selon lui (PSL) d’une « demande de permission de regarder ». Or en se mettant en face de la porte, il y a risque à ce que la personne regarde l’intimité des gens se trouvant dans la maison sans en être autorisée. C’est la raison pour laquelle, le Prophète (PSL) a dit « si un individu viole ton intimité sans autorisation, et que tu lui lances une pierre qui lui crève l’oeil, tu ne seras pas considéré comme responsable » (Boukhari et Mouslim). Cette mesure dissuasive montre, si besoin en était, l’importance de l’obligation de demander la permission avant d’entrer où que ce soit.

2 – Se présenter d’une manière non équivoque

Celui qui sollicite la permission d’entrer dans une maison ou une pièce quelconque doit décliner son identité de manière claire et précise. Selon l’Imam Nawawi, à la question : « qui êtes-vous? ou « qui est là? », il faut décliner son nom ou son surnom de manière à se faire connaître  par les gens de la maison et ne pas répondre par des formules creuses du genre « c’est moi !. En cela, il se réfère au célèbre hadith sur le Voyage nocturne (isrâ) du Prophète (PSL) rapporté par Anas dans lequel il dit : « ….puis l’Archange Jibril me fit monter au ciel de la vie ici-bas, il demanda qu’on le lui ouvre et il lui fut demandé : « qui est-ce? », il répondit « Jibrîl » et on lui demanda : « qui t’accompagne ? » Il répondit: « Mouhammad ». Et ainsi à l’entrée de chaque Ciel, il lui fut posé les mêmes questions et il donna les mêmes réponses » (reconnu authentique par consensus). Dans un autre hadith, Jaber (qu’Allah l’agrée) a raconté : « je suis venu voir le Prophète (PSL) au sujet d’une dette de mon père. J’ai tapé à la porte et il a dit : qui est-ce? Je répondis : c’est moi ! Et il dit : « moi ! moi! » sur un ton qui montrait qu’il n’appréciait pas ma réponse ».

3 – Demander la permission trois fois au maximum

En toute chose, l’Islam prescrit le sens de la mesure. Au sujet de la demande de permission, il a fixé le raisonnable à trois. Cela signifie que la personne qui sollicite la permission d’entrer signale sa présence un maximum de trois fois au-delà duquel, il se doit de partir – s’il n’obtient aucune réponse – et non d’insister. Il est courant de demander la permission en disant « Assalamou ‘alaïkoum » ou en tapant à la porte ou en recourant à tout autre moyen en usage dans le milieu considéré (sonnerie, interphone etc.). La légitimité de cette « règle des trois demandes de permission » a été ainsi expliquée par l’éminent commentateur du Coran Ibn Kathîr en ces termes :

    • par la première, le visiteur signale sa présence se faisant entendre par la personne dont la permission est sollicitée (l’habitant) ;
    • par la seconde , il lui permet de se tenir sur ses gardes (de prendre ses dispositions) ;
  • et par la dernière, elle se décide soit à accorder la permission soit à la refuser.

Selon Abou Hiyâne, il n’est pas permis de dépasser les trois sollicitations à moins d’être sûr de n’avoir pas été entendu par la personne sollicitée. Dans un hadith rapporté par Ahmad, Anas (qu’Allah l’agrée)  a raconté : « le Prophète (PSL) a sollicité la permission d’entrer à Saad Ibn Oubada en disant « Assalamou ‘alaïkoum wa rahmatoullah ! » et Saad lui répondit de la même manière (sans qu’il l’entende). Le Prophète (PSL) partit et Saad le suivit et lui dit: « je jure par vous mon père et par ma mère que je vous ai répondu à chaque salut sans me faire entendre à dessein car je voulais recevoir davantage de vos prières de (salam) paix et de (baraka) bénédictions (attachées à la formule du salut) ». Puis il le fit entrer et lui servit des raisins secs. Le Prophète (PSL) en mangea et lorsqu’il termina, il lui dit : « Allah fasse que les bonnes gens mangent de ta nourriture, que les anges prient pour toi et que les jeûneurs rompent leur jeûne auprès de toi ».
Une prière dont l’importance permet de mesurer celle de la règle observée mais également cette foi alliée à la finesse dont les compagnons du Prophète (PSL) avaient le secret.

En revanche, la personne qui pénètre dans une maison sans en être autorisée doit être éconduite en raison du caractère formel du verset : « N’entrez pas dans des maisons autre que les vôtres avant de demander la permission d’une façon délicate) et de saluer leurs habitants » (Sourate 24 An-Nour verset 27). Dans un hadith rapporté par Ahmad, le Prophète (PSL) a renvoyé un homme qui était entré chez lui sans solliciter la permission et sans adresser le salut et lui a demandé de se conformer à cette double exigence avant d’entrer. C’est là un minimum de correction indispensable dans toute société policée.

4 – Retourner si la permission ne nous est pas accordée

« Et si on vous dit : « retournez », eh bien, retournez. Cela est plus pur pour vous. Et Allah, de ce que vous faites est Omniscient » (Sourate An-Nûr, verset 28). Telle est la prescription du Coran. Non seulement la personne qui n’est pas prête à recevoir a le droit de le signifier au visiteur (de manière explicite ou implicite) mais celui-ci se doit d’accepter l’empêchement de son éventuel hôte et de retourner. Jamais il ne doit se mettre en colère ou lui en vouloir à cause de cette permission  non accordée. C’est mieux pour lui car l’insistance ou l’acharnement entraîne un climat de malaise nuisible à la qualité des relations humaines. C’est plus pur pour lui car le fait de se conformer à la prescription d’Allah en acceptant de partir après une demande de permission non agréée est à la fois source d’élevation morale et religieuse et gain de temps pour la personne empêchée. Il en est de même pour la personne non autorisée à entrer en ce qu’elle consacrera son temps à quelque chose de plus utile. Au regard de ces règles islamiques de politesse, il est paradoxal de constater le peu de crédit que nous accordons aux rendez-vous ponctuels pris avant de rendre visite comme cela se fait dans d’autres sociétés.

Extraits traduits des enseignements en arabe et en wolof, sur l’islam et la tariqa tidjaniya, du guide spirituel Serigne El Hadj Madior CISSE, responsable de la dahira Moutahabina Fillahi et disciple de Khalifa Ababacar SY (RTA).