L’ablution sèche ou la lustration pulvérale (tayammoum ou tiime)

Le tayammoum ou tiime est une forme d’ablution accomplie au moyen de la terre pure. L’ablution est ici considérée comme sèche par opposition aux formes d’ablution qui se réalisent au moyen de l’eau pure et qui sont par conséquent des formes de purification humide (ndiapp et sangou).

Elle trouve son fondement et sa légitimité dans les textes sacrés de l’Islam. Dans le Saint Coran, il est révélé : « Si vous êtes malade, ou en voyage, ou si l’un de vous revient du lieu où il a fait ses besoin ou si vous avez touché à des femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à la terre pure, et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains » (Sourate an-Nissâ, verset 43). Selon le Messager d’Allah (PSL), « La purification par la terre est l’ablution du musulman même s’il ne trouvait pas d’eau pendant une décennie » Rapporté par Nassa’i et Ibn Hibân).

Cela étant, la dimension purificatrice de l’ablution sèche est toutefois tributaire de son accomplissement conformément aux préceptes islamiques. C’est la raison pour laquelle, il importe de connaître :

  • la légitimité de l’ablution sèche ;
  • les éléments obligatoires (fardh ou farata) ;
  • les éléments surérogatoires (sounna) ;
  • les causes de caducité de l’ablution sèche ;
  • les actes permis à la personne ayant accomplie l’ablution sèche ;
  • les modalités d’accomplissement de l’ablution sèche.

I – La légitimité de l’ablution sèche

L’ablution sèche est consacrée :

1- En cas d’impossibilité de trouver de l’eau :

  • soit parce que vous l’avez recherchée ardemment et en vain ;
  • soit parce que s’en procurer entraînerait une perte de richesse ;
  • soit parce que sa recherche vous écarterait du temps d’élection de la prière (moukhtar).

En matière de recherche d’eau en vue de l’ablution, il est nécessaire :

  • d’accepter le don d’eau, le prêt d’eau ou des fonds pour en acheter ;
  • de l’acquérir au prix courant si l’on en a pas besoin pour l’entretien de soi ou des siens ;
  • de chercher de l’eau avant chaque prière, fut-ce sur le seul soupçon qu’on en trouvera, mais non si on est certain qu’il n’y en a pas ;
  • la recherche d’eau doit être suffisante. C’est la raison pour laquelle il est recommandé que recommence sa prière celui qui a suffisamment cherché de l’eau, et ce, durant le temps d’élection. Mais la prière resterait valable s’il ne la recommençait pas.

On considère que la recherche a été insuffisante notamment :

  • lorsqu’on peut trouver de l’eau dans ses bagages ou dans son voisinage ;
  • lorsqu’on a nourri des craintes vaines touchant la rencontre de voleurs ou de bêtes fauves en allant chercher de l’eau ;
  • si un malade n’a eu personne pour lui apporter et qu’après la prière, on lui en apporte ;
  • si on avait oublié qu’on en avait avec soi et qu’on s’en souvienne après la prière ;
  • si on n’était pas sûr de mettre la main sur l’eau et qu’on en trouve après.

2- En cas d’impossibilité d’utiliser l’eau :

  • pour raison de santé : l’eau est fraîche et ne disposant pas de moyens pour la réchauffer, la personne craint de tomber malade ou voir sa maladie s’aggraver ;
  • pour incapacité physique (incapacité locomotrice, temporaire ou permanente) ou matérielle: la personne ne peut pas se servir de l’eau trouvée faute d’ustensile ou bien parce que personne n’est disponible pour lui en apporter au moment où elle en a besoin ;
  • par crainte de faire souffrir de soif, en utilisant l’eau disponible, ceux dont la vie doit être respectée (humains ou animaux tels que chiens de chasse ou de garde).

Il est à noter qu’au cas où la personne trouverait une quantité d’eau mais que celle-ci soit insuffisante pour l’accomplissement de l’ablution, les oulémas estiment qu’elle doit commencer par s’abluer avec cette eau jusqu’à son épuisement et continuer le reste par l’ablution sèche. A l’appui de cette solution, ils invoquent le verset suivant : « Craignez Allah, donc autant que vous pouvez » (Sourate At-Tagaboun, verset 16).

Dans le même ordre d’idées se pose la question de l’ordre de priorité pour l’usage de l’eau en vue du bain rituel entre le cadavre et la personne frappée d’impureté majeure (djanâba) : le propriétaire de l’eau dont on doit laver le cadavre passe avant celui qui est frappé d’impureté majeure sauf si l’on craint que des êtres vivants ne souffrent de soif auquel cas ils passent avant le cadavre. Si l’eau était aux deux intéressés, le mort passe après celui frappé d’impureté mais celui-ci répond de la valeur de l’eau vis-à-vis des héritiers.

Par ailleurs, il est licite de faire la prière funèbre, les pratiques sounna, la tournée de Kaaba et ses deux rakas, de toucher, lire ou réciter le Coran, au moyen d’un tayammoum (tiime) accompli en vue d’une pratique fardh ou surérogatoire, si lesdites choses viennent après les fardh ou les pratiques surérogatoires.

En revanche, il n’est pas licite, au moyen d’une lustration (tiime), ayant pour objet une pratique fardh, d’accomplir une autre chose fardh, sans nouvelle lustration, même si elles avaient été toutes deux envisagées, lors de la formulation de l’intention : la seconde est alors invalidée même si elle est accomplie dans le même temps que la première. Cela reste vrai même si celui qui doit faire la lustration a oublié une des cinq prières fardh et ne sait plus laquelle : devant donc les recommencer toutes, il fera aussi cinq lustrations (une pour chaque prière).

En outre, il n’est pas licite de faire la prière funèbre au moyen d’un tayammoum accompli en vue d’un acte recommandé.

II – Les éléments obligatoires (fardh ou farata) de l’ablution sèche

Les éléments obligatoires (fardh ou farata) de l’ablution sèche sont les suivants:

  1. l’intention d’accomplir l’ablution sèche afin de rendre permise la prière et de se débarasser de l’impureté majeure (djanâba) si on l’avait contractée ;
  2. la terre pure : « Alors recourez à une terre pure, et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains » (Sourate an-Nisâ, verset 43). La terre pure est considérée comme le substitut à l’eau pure. Ce qu’on prend pour remplacer l’eau sera de la matière terreuse pure de la surface du sol. La terre ordinaire doit être préférée à la terre transportée (par exemple la poussière sur une natte recouvrant la terre). A défaut, on peut encore user de neige, de boue aqueuse, de gypse non cuit ou de matière minérale à l’exclusion des métaux précieux, des perles ou de ce qui a été transporté comme le sel et l’alun. Toutefois, il est licite pour un malade d’user, pour l’ablution sèche, d’un mur en briques crues ou de pierres mais il ne lui est pas permis d’utiliser une natte ou du bois. Il est à observer que l’obligation de faire la prière et de la rattraper s’éteint en l’absence d’eau et de matière terreuse comme quoi «  à l’impossible nul n’est tenu » ;
  3. le premier contact avec la terre (battement) c’est-à-dire le fait de poser les mains sur la terre pure. En tant que fardh, il est à lui seul suffisant c’est-à-dire qu’on peut accomplir toute l’ablution sèche à partir de ce seul contact avec la terre ;
  4. la lustration du visage et des deux mains jusqu’aux poignets : « Et passez-vous-en sur vos visages et sur vos mains » (Sourate An-Nissa, verset 43).

III – Les éléments surérogatoires (sounna) de l’ablution sèche

Les éléments surérogatoires (sounna) de l’ablution sèche sont les suivants :

  1. l’invocation du nom d’Allah comme pour l’ablution humide ;
  2. le renouvellement du contact avec la terre (ou 2ème battement) pour la lustration des mains ;
  3. l’ordre à observer comme pour l’ablution ;
  4. la lustration faite jusqu’aux coudes.

Il est recommandé de commencer par l’extérieur de la main droite au moyen de la main gauche, jusqu’aux coudes, puis de frotter l’intérieur de la main (droite) jusqu’au bout des doigts; ensuite on fera de même pour la main gauche.

IV – Les causes de caducité de l’ablution sèche

Deux causes rendent caduque l’ablution sèche :

  1. Puisque l’ablution sèche s’analyse comme un substitut à l’ablution humide, tout ce qui invalide l’ablution humide l’invalide. En revanche, tout ce qui était interdit en raison de l’impureté redevient permis après l’accomplissement de l’ablution sèche : prière (y compris la prière funèbre), tournée autour de la kaaba, toucher, lire ou réciter le Coran, entrée à la mosquée etc.
  2. La découverte de l’eau pour celui qui en cherchait avant la prière ou durant la prière. Mais s’il la trouve après avoir accompli la prière, celle-ci est valable et n’a pas à être reprise. Le Prophète (PSL) a ordonné : « N’accomplissez pas dans la journée une prière deux fois » (Rapporté par Abou Daoud, Ahmad, Nassa’i et Ibn Hibân).

V – Les éléments répréhensibles (makrouh ou sîbe) de l’ablution sèche

Il est jugé répréhensible, en l’absence d’eau :

  • pour celui qui a fait l’ablution mineure (ndiapp), de donner un baiser ;
  • pour celui qui a fait l’ablution majeure (sangou sett) , de coïter.

Toutefois, le blâme cesse s’il est écoulé un temps long depuis l’accomplissement de l’ablution. Cette règle se justifie par le souci d’apprendre à maîtriser ses désirs en cas de nécessité pour au moins pouvoir accomplir ses obligations religieuses.

VI – Les modalités d’accomplissement de l’ablution sèche

Voici l’ordre chronologique de la lustration ou tiime :

  1. Formuler l’intention d’accomplir l’ablution sèche afin de rendre permise la prière et de se débarrasser de l’impureté (djanâba) si on l’avait contractée ;
  2. Poser les deux paumes de ses mains sur la terre pure ou ce qui en tient lieu ;
  3. Se lustrer le visage une seule fois ;
  4. Reposer, si l’on veut, les deux paumes de ses mains sur la terre pure ou ce qui en tient lieu ;
  5. Se lustrer les deux mains jusqu’aux coudes ou s’il le veut jusqu’aux poignets.

Fasse Allah que nous soyons parmi ceux qui se repentent et ceux qui se purifient ! Amîne.

Extraits traduits des enseignements en arabe et en wolof, sur l’islam et la tariqa tidjaniya, du guide spirituel Serigne El Hadj Madior CISSE, responsable de la dahira Moutahabina Fillahi et disciple de Khalifa Ababacar SY (RTA).